DOSSIER – La mise en pratique opérationnelle de l’intelligence économique

Pour sortir de la théorie sur l’intelligence économique et la mettre concrètement en pratique au sein de l’entreprise pour le plus grand bénéfice de celle-ci.

Est-ce utile ?

Beaucoup a déjà été dit ou fait en matière d’intelligence économique. On a beaucoup théorisé sur le sujet. Ce moment de réflexion était nécessaire pour fixer les idées, déterminer les champs d’action de l’intelligence économique, constater notre navrant retard par rapport aux anglo-saxons, tenter d’annihiler la confusion paralysante entre intelligence économique et espionnage. Mais l’intelligence économique ne doit pas se cantonner dans la philosophie, se trouver accaparée par une élite intellectuelle et sombrer dans l’ésotérisme. Elle doit devenir une aide concrète, réelle et efficace pour l’entreprise.

Pour se développer, améliorer leurs performances, des entreprises ont adopté, dans d’autres domaines, des démarches spécifiques, celle de la démarche qualité par exemple. Les dispositions adaptées prises à cette fin se sont traduites par d’importants retours sur investissement. Dans le même esprit, une démarche d’intelligence économique, voire d’intelligence stratégique, permettra à l’entreprise d’améliorer ses marges bénéficiaires en cernant mieux son marché, en modifiant sa production en fonction de la demande effective de ce dernier, en élaborant de nouveaux produits, en cernant mieux sa concurrence et en s’en démarquant, en mettant au point les mesures de protection de son patrimoine immatériel, en améliorant la communication interne dans son entreprise, etc…

Il est également évident que, dans une démarche d’intelligence économique, se posent à la fois des problèmes d’organisation et de budget. Mais vaut-il mieux produire avec un objectif clair et réaliste en tête ou vaut-il mieux développer une idée géniale qui ne rencontrera pas de succès ou s’avèrera non rentable? Les exemples sont suffisamment nombreux en la matière.

En matière d’organisation, l’intelligence économique ne se limite pas à la recherche d’information sur Internet. Internet est certes un outil extraordinaire qui offre de prodigieuses possibilités. Mais ce n’est qu’un outil et, devant la pléthore d’informations qu’il permet de trouver, rien ne remplacera le cerveau humain pour analyser, synthétiser et proposer. Car proposer au chef d’entreprise est bien la finalité de l’opération : l’intelligence économique est bien une aide à la décision et à l’anticipation.

Entre une réflexion empirique que tout un chacun pratique naturellement pour faire le tour de son problème, la démarche d’intelligence économique offre en revanche l’avantage d’une méthode, extrêmement simple et récurrente qui, grâce à une réflexion critique, précise, globale, menée jusqu’au bout, évite les impasses, les omissions et autres lacunes dommageables aux intérêts de l’entreprise.

La démarche, dont il n’y a pas lieu de se faire un monde, est en réalité très simple. Elle obéit aux quatre étapes du cycle du renseignement, qui sont :
– l’orientation ou l’expression des besoins ;
– la recherche de l’information ;
– la "critique" (au sens positif du terme) de l’information que l’on appelle aussi traitement ou analyse ;
– la diffusion.

A partir de ces considérations, comment s’organiser concrètement ?

A qui attribuer la fonction ?
Il n’y a pas de règle en la matière. C’est, pour le chef d’entreprise, une question d’appréciation. Il est important d’attribuer la mission à quelqu’un qui a la confiance du chef d’entreprise et qui recueille aussi celle du personnel. A titre d’illustration, elle peut être attribuée au commercial, au responsable R&D, ou aux deux successivement en fonction du déroulement de la recherche de l’information et de l’apparition des nouveaux besoins en renseignement. Si la personne est choisie au sein de l’entreprise, il y aura lieu de lui faire suivre un stage de formation en intelligence économique. 

L’on peut aussi externaliser auprès d’un conseil expérimenté sur le sujet et en qui le chef d’entreprise pourra avoir toute confiance, ce qui exigera une assez longue prise de contact préalable. 

L’on peut imaginer enfin la constitution d’un binôme mixte : le technicien de l’intelligence économique représenté pas le conseiller extérieur à l’entreprise et le responsable IE de l’entreprise, qui sait ce qu’il recherche. En réalité, toutes les figures sont possibles : elles sont déterminées en fonction de la nature du besoin en renseignement de l’entreprise.

Démarrer et poursuivre la démarche :
– il faut alors parfaitement savoir à quel objectif final répond la démarche : développer un nouveau produit, rechercher de nouveaux marchés, rechercher un partenaire, devenir le N°1, accroître ses marges, changer d’agent à l’étranger, etc…
– l’objectif final étant déterminé, l’on établit, pour y parvenir, le bilan des informations à obtenir : c’est la mise au point du plan de recherche et de la liste des sources potentielles susceptibles de fournir les informations de base : internet, organismes officiels, salons, visites d’entreprises, sources privées, voire consultation du personnel qualifié de l’entreprise, etc…
– les informations recueillies sont ensuite trillées, recoupées, évaluées ("critiquées"), analysées et élaborées en renseignement ; à ce stade sont déterminées les informations manquantes ou suspectes ;
– le cycle du renseignement est alors relancé à partir de ce premier bilan d’étape et ce, par la suite, autant de fois que nécessaire ;
– les résultats intermédiaires font l’objet de diffusions vers le chef d’entreprise et, en tant que de besoin et de façon sélective, vers le personnel de l’entreprise.
– Le renseignement final, élaboré à l’issue de toutes les recherches, est fourni au chef d’entreprise ; il conduit à la prise de décision.

Mettre en place les dispositions connexes :
– Il s’agit de protéger les biens immatériels de l’entreprise : pratiquer la sélectivité dans la diffusion de l’information, protéger ses secrets de fabrication, sécuriser certaines zones sensibles, sécuriser l’intranet, limiter les accès aux zones de R&D, etc…
– Il s’agit de décider éventuellement de la politique de lobbying à l’extérieur de l’entreprise : obtention de fonds, d’aides, de subventions, etc…

Le budget de l’opération

Il dépend :
– du recours ou non , à temps plein ou à temps partiel, à un consultant spécialisé externe à l’entreprise (facturation à la journée ou au forfait) ;
– des abonnements aux sources d’information ouvertes : internet, documents et ouvrages papiers ;
– des déplacements à réaliser pour rencontrer des personnes ou des groupes, visiter des salons (surtout lorsqu’ils ont lieu dans des pays étrangers lointains), des entreprises ;
– de l’accroissement du nombre de communications téléphoniques, de duplications, de travaux d’impression supplémentaires que cela induit ;
– du complément de formation en intelligence économique et en utilisation des outils informatiques spécifiques à donner à une ou plusieurs personnes de l’entreprise.