DOSSIER – Emploi qualifiés : les associations au secours des entreprises

Dans un contexte de pénurie de main d’œuvre annoncée, une valorisation systématique des « savoirs sociaux » acquis dans le monde associatif pourrait favoriser une plus grande perméabilité avec le secteur marchand. Et encourager le transfert de compétences entre deux mondes qui s’ignorent trop souvent : compétences – connaissance – savoir faire.

Les enjeux

A l’heure où l’on prédit une pénurie de main d’œuvre, il faut s’intéresser aux formidables ressources développées par le monde associatif. Et se fixer comme objectif de les transférer en entreprise.

L’enjeu est de taille. Rappelons que le monde associatif fédère près de 20 millions de Français âgés de plus de 14 ans. La part du bénévolat représente ainsi plus d’un million d’emplois « équivalent temps plein » à travers 750.000 associations, 60.000 créations par an et 1,2 million de salariés.

Rapprochement entreprise / associatif

Parler de rapprochement entre le monde associatif et le monde de l’entreprise, pourtant, c’est trop souvent évoquer un rapprochement entre l’eau et le feu. Comment, dès lors, créer des passerelles entre deux mondes qui s’ignorent ?

La dynamique associative, on le sait, favorise la socialisation, l’apprentissage de la construction de projets et la multiplication des expérimentations. En ce sens, on peut dire que le monde associatif facilite le développement de la personnalité. Et il est clair que cette contribution du monde associatif complète, voire supplée, de manière significative les apports du système éducatif général. Ce dernier, en effet, met en exergue la performance individuelle. Le milieu associatif, quant à lui, privilégie l’approche collective, l’intérêt général.

Les apports de l’associatif

Mais tous les spécialistes en conviennent : les associations ne sont pas seulement des lieux où s’expriment la solidarité et la sociabilité. Par le lien social qu’elles créent, par les savoirs et les comportements qu’elles développent, il n’est pas exagéré d’affirmer qu’elles développent aussi des emplois et des métiers. En ce sens, et parce qu’elles glissent lentement vers une gestion plus rationnelle, première étape vers la professionnalisation, les associations agissent souvent comme de formidables « antichambres de la qualification ».

Ces acquis appelés «  savoirs sociaux » peuvent être significatifs même s’ils ne toujours pas, à ce jour, associés à une réelle qualification. Cette reconnaissance est donc, pour certaines association, un enjeu en soi. Prenons l’exemple du mouvement des foyers ruraux, regroupé sous l’égide de la Fédération Nationale des foyers Ruraux et qui, à lui seul, représente 2600 associations locales réparties sur le territoire français. Quelque 20 000 administrateurs, des milliers de bénévoles et 1300 salariés y travaillent au service d’un million d’usagers. En juillet 2000, le mouvement des foyers ruraux énonçait spécifiquement son ambition : «  faire évoluer notre société pour une reconnaissance et une validation des acquis du bénévolat au service de la qualification professionnelle ».

A ce jour, quelques tentatives formelles ont été concrétisées. Ainsi du dispositif expérimental «  LEA » (Liens Entreprises Associations) qui permet un travail commun sur des projets identifiés et à l’issue duquel, une ville des Côtes d’Armor a décidé de  mettre en place des actions pour renforcer l’attractivité de son terroir. Elle a, pour ce faire, choisi d’apporter une meilleure offre de structures d’accueil pour la petite enfance et personnes âgées dépendantes en direction des salariés. Ce projet est porté par un groupe spécialisé en assurance santé. Des relations croisées entre associations et entreprises ont été développées.

D’autres initiatives de ce genre gagneraient à être développées. Et à être systématiquement « tracées » au sein d’un parcours professionnel. Dans l’hypothèse où les compétences seraient formalisées sur un support écrit, elles seraient en effet « visibles »et concrètes. Et donc transférables dans un autre univers.

En première lecture, on le sait bien, un recruteur repère toujours sur le CV d’un jeune l’engagement dans un mouvement associatif, surtout dans le cas de structures qui attachent de l’importance au partage de valeurs, comme les mutuelles. Mais trop souvent, la déduction de compétences acquises en milieu associatif relève encore de l’hypothèse et ne peut se confirmer de façon systématique ou scientifique.

La transférabilité d’acquis est aujourd’hui admise dans son principe grâce à la loi de modernisation sociale promulguée en janvier 2002. Ainsi, le dispositif dit de « V.A.E » (validation des acquis de l’expérience) ne se limite plus au seul champ professionnel, et intègre désormais les apports du bénévolat.

Même si les entreprises et les centres de formation se montrent encore circonspects, les demandes de dossiers affluent, au Centre National des Arts et Métiers par exemple, depuis que ce dispositif a force de loi.

L’émergence des tuteurs

Et ici, c’est le monde associatif qui gagnerait à s’inspirer des pratiques déjà en vigueur dans les entreprises. Dans le secteur marchand, on assiste déjà, en effet, à l’émergence d’une fonction de « tuteur » dont le principal objectif est d’accompagner le « jeune » collaborateur dans l’acquisition progressive de compétences. Le tuteur doit naturellement posséder, ou acquérir, la dimension pédagogique nécessaire à l’exercice de sa mission. De même, il doit disposer d’outils complets pour l’y aider (livret d’accueil, grille d’évaluation, plan individuel de formation,…). Cette fonction de validation et formalisation devient incontournable dans un contexte où la gestion des compétences s’impose aux entreprises.

Accompagner l’intégration des nouveaux embauchés, leur fournir les moyens d’un apprentissage progressif et valider les compétences observées sont devenues des activités imposées par la mise en place des certifications. Autant d’objectifs qui pourraient maintenant être inscrits dans les projets des structures associatives.

Une évolution du même type dans le monde associatif serait d’autant plus aisée qu’au sein de ce dernier (et tout particulièrement dans celui de l’éducation populaire) l’accompagnement des jeunes par les élus, par les bénévoles ou par les salariés, y est déjà une réalité : il est implicite. Très souvent, cependant, il relève d’une démarche collective dont l’efficacité et la rationalité ne peuvent être démontrées que par un prestataire externe ayant une fonction de conseil.

La loi Fillon suscite clairement la mise en place d’une gestion des compétences dans les entreprises avec l’ambition de trouver des réponses au problème de l’emploi pour non seulement intégrer les jeunes mais aussi  maintenir    en activité  les quinquagénaires .Les textes d’application devraient être votés sans tarder. On ne peut que s’en féliciter. La généralisation d’une fonction de «  tuteur » attribuée principalement aux « quinquas » peut constituer en effet un élément de réponse. Gardiens d’un savoir-faire et écartés de la pénibilité de certaines tâches, ces collaborateurs  peuvent conserver leur valeur contributive en exerçant la fonction de tuteur à condition que cette mission spécifique soit reconnue.

En attendant, seul le contexte législatif pourra favoriser le rapprochement des deux univers que sont le monde associatif et celui de l’entreprise. Ainsi, la loi de modernisation sociale établit un lien entre expériences acquises en milieu associatif et en entreprises. En ce sens, elle ouvre la voie au transfert de compétences.