DOSSIER – Knowledge Management, quelques repères pour comprendre

Au nombre d’articles et d’ouvrages parus sur ce thème ces douze derniers mois, force est de constater que le knowledge management, aussi appelé KM, jouit d’un regain d’intérêt de la part des dirigeants. Les résultats concrets obtenus par les premières véritables initiatives n’y sont certainement pas étrangers. Après des débuts difficiles, le knowledge management est entré dans une phase de maturité plus avancée. L’objectif de cet article est de donner une vision d’ensemble de cette discipline.

Une définition

Dans un environnement en constante mutation où la concurrence se fait de plus en plus féroce, où le cycle de vie des produits devient de plus en plus court, où les clients sont en recherche perpétuelle de nouveautés, de produits personnalisés et de services individuels, les entreprises doivent sans cesse innover et se démarquer de la concurrence.

De ce fait, la capacité à produire des entreprises modernes ne repose plus uniquement sur leurs ressources industrielles, mais de plus en plus sur leur capital intellectuel, leurs connaissances.

Moteur de la pérennité et de la croissance des entreprises, la connaissance est une ressource stratégique qu’il est devenu impératif de gérer et de valoriser sous peine de céder du terrain sur un marché de plus en plus concurrentiel.

Malheureusement, la gestion de ce véritable capital que constituent les connaissances n’est pas systématique. Les entreprises se trouvent ainsi confrontées à de nombreux problèmes notamment:
– Perte de savoirs et de savoir-faire clés suite à un départ en retraite, une mutation …
– Difficulté à obtenir les connaissances nécessaires pour décider du fait de la dissémination et de la mauvaise organisation des savoirs et des expertises.
– Mauvaise communication et circulation de l’information due à une organisation trop rigide.
– Répétition d’erreurs déjà commise par le passé.

Pour traiter ces dysfonctionnements et éviter les risques qu’ils engendrent, l’entreprise doit mettre en place une démarche de knowledge management.

Le knowledge management peut être défini comme un mode de gestion systématique des savoirs et des savoir-faire des employés, des clients et des partenaires dans le but d’aider l’entreprise à atteindre ses objectifs de croissance.

Plusieurs points de vues

Le knowledge management n’est donc pas, par définition, une fin en soi, c’est un moyen d’atteindre des objectifs précis. Ces mêmes objectifs peuvent être différents suivant le niveau auquel on se place.

Création de valeur
D’un point de vue stratégique, l’objectif de l’entreprise est de créer de la valeur.

Le knowledge management, en systématisant la capitalisation, l’organisation, l’utilisation et surtout le partage des savoirs et savoir-faire liés aux processus, aux clients ou encore aux produits, va permettre d’améliorer la productivité en terme de coûts, de délais et de quantité produites.  Le knowledge management va également permettre d’obtenir de meilleurs résultats en terme de qualité et donc d’améliorer la valeur perçue par les clients.

Citons l’exemple d’un grand groupe pharmaceutique international qui a mis en place des communautés de pratiques au sein de son activité de Recherche & Développement. Le fait de mettre en relation les chercheurs et les experts, de faciliter, de capitaliser et de mettre à disposition leurs échanges, permet de réduire le temps de mise sur le marché de nouveaux médicaments, paramètre primordial dans ce type d’activité.

Prise de décision
La prise de décision est un processus dont la pertinence est très fortement dépendante de la qualité des informations qui vont servir de support à cette décision.

En effet, une décision est le fruit de l’utilisation, dans un contexte précis, d’une ou plusieurs informations. Ce qui est important, c’est non seulement les informations, mais aussi et surtout le contexte dans lequel elles vont être interprétées.

A titre d’exemple, nous pouvons citer le cas d’une entreprise nationale organisée autour d’agences ayant une couverture locale et qui a mis à leur disposition un système de capitalisation et de partage de bonnes pratiques. De cette manière, pour la résolution d’un problème local survenu dans une agence, il est possible de mobiliser l’expérience des agences au niveau national.

Activités quotidiennes
Enfin, les activités opérationnelles de l’entreprise se caractérisent par leur aspect répétitif. Le savoir-faire acquis est donc primordial si l’on souhaite améliorer les processus métier de l’entreprise.

Grâce à son action de valorisation des savoirs et savoir-faire des collaborateurs de l’entreprise, le knowledge mangement va par exemple permettre de maintenir une productivité élevée et une haute qualité malgré le départ de personnes clés.

Par exemple, la mise à disposition auprès des télé-conseillers d’un système de partage de connaissances, à vocation marketing, commerciale ou de support, dans un centre d’appels d’un opérateur de téléphonie mobile a permis d’augmenter significativement le taux de réponses correctes au premier appel.

Les quatre leviers du KM

Afin de mobiliser les connaissances d’une manière efficace et performante pour l’entreprise, une politique de knowledge management agit sur quatre leviers :

L’accès à l’information
Faciliter l’accès direct à l’information et aux savoirs facilite la transmission au moment opportun des informations limitées à l’essentiel des besoins. La maîtrise et la sécurité de l’accès aux informations permet également une meilleure circulation de l’information et soutient ainsi la dynamique du partage, essentielle à une démarche de knowledge management efficace.

La gestion des compétences
S’intéresser et gérer les compétences des collaborateurs permet à l’organisation d’améliorer les compétences individuelles et collectives et de gérer la transmission des compétences clés, tout en anticipant les pertes de savoirs. Une meilleure gestion des compétences permet également de développer et valoriser les savoir-faire stratégiques, de favoriser la polyvalence et la mobilité interne, etc.

La capitalisation et le partage des retours d’expériences

La capitalisation et le partage des expériences vécues par les collaborateurs permettent d’éviter de reproduire un travail déjà effectué et surtout de faciliter la reproduction des meilleures pratiques.

La compréhension de l’environnement de l’entreprise
Une meilleure gestion des connaissances concernant la concurrence, le marché, les clients et leurs attentes permet de favoriser et assurer une veille stratégique et concurrentielle, comprendre et anticiper les comportements des clients, orienter les axes de développements.

Cette présentation nous permet d’entrevoir que le knowledge management est à la croisée de plusieurs disciplines : gestion de l’information, gestion des compétences, veille, etc. Pour mieux en saisir les contours, intéressons nous plus avant au périmètre du knowledge management.

Périmètre

Pour définir le périmètre du knowledge management, nous pouvons considérer deux axes : le type de capital connaissance considéré (capital information et capital humain) et le processus de gestion des connaissances (gestion des connaissances existantes et création de nouvelles connaissances). Ce référentiel permet de définir le périmètre du knowledge management (figure 1 – Périmètre du knowledge management).

La figure 1 nous montre clairement les 4 activités du knowledge management : l’accès à l’information, la gestion des compétences, la collaboration et la fouille de données.

Nous pouvons également identifier les 4 disciplines périphériques qui ont des zones de recouvrement avec le knowledge management : la gestion de l’information, la formation, l’innovation et la veille et l’intelligence économique.

A partir de ce schéma, il est plus aisé de comprendre les différentes influences et le rôle joué par les différentes fonctions de l’entreprise. Ainsi, la Direction des Systèmes d’Information (DSI) sera plus préoccupée par la gestion du capital information, la Direction des Ressources Humaines (DRH) par la gestion des compétences et la formation, ce qui, au regard du knowledge management représente des activités de support nécessaires pour soutenir la création de nouvelles connaissances. C’est sur ce processus de création, qui représente la réelle valeur ajoutée d’une démarche de knowledge management, que les activités métiers vont se concentrer.

Enfin, nous pouvons identifier les deux grands types d’approches du KM. La première approche repose sur les technologies et se préoccupe essentiellement du capital information. La seconde, fondée sur le management et l’organisation, axe ses efforts sur la gestion du capital humain.

Aujourd’hui, les entreprises qui ont identifiées les contours du knowledge management accordent autant d’importance aux deux approches, développant ainsi une vision beaucoup plus globale de la problématique de gestion des connaissances.

Dix ans déjà

L’approche globale actuelle du knowledge management est le fruit d’une dizaine d’années de capitalisation et de partage des retours d’expériences des nombreuses entreprises qui ont mis en place une démarche où un pilote de gestion des connaissances. Revenons quelques aux débuts du knowledge management, afin de mieux comprendre son évolution et ses perspectives.

Né au début des années 90 au travers de premières mises en œuvre concrètes, la véritable irruption du knowledge management dans les entreprises, du moins sous cette appellation, date de la deuxième moitié des années 90.

A cette période, les entreprises étaient essentiellement préoccupées par la formalisation et la mise à disposition des connaissances grâce à des solutions technologiques. Le knowledge management n’était absolument pas intégré aux activités quotidiennes de l’entreprise et l’implication des dirigeants était minime pour ne pas dire quasi-inexistante. L’absence d’objectifs stratégiques se traduisait concrètement par des études de faisabilité plus que par leur mise en oeuvre effective de systèmes de knowledge management.

Il faut attendre le début des années 2000, pour que le knowledge management soit davantage intégré à l’ordre du jour, bien que les connaissances ne soient pas encore considérées comme un véritable actif stratégique. De véritables initiatives sont alors entreprises mais, devant la difficulté d’intégration et d’utilisation des connaissances tacites, les premiers systèmes mis en place se concentraient sur le capital information de l’entreprise.

En 2002/2003, les choses ont évoluées favorablement du fait même des résultats concrets obtenus. Les dirigeants s’impliquent plus et le knowledge management est entré dans une phase de maturité plus avancée. Les initiatives se sont orientées « métier » et la relation entre knowledge management et opportunités manquées devient de plus en plus évidente.

Certains spécialistes sont d’ailleurs très attentifs au rapprochement possible entre le knowledge management et l’intelligence économique. Il est vrai que sur « le papier », il existe un lien fort indéniable entre ces deux disciplines. Mais qu’en est-il réellement dans les entreprises aujourd’hui? Existe-t-il vraiment beaucoup d’applications opérationnelles qui permettent de confirmer ce qui semble être un axiome ? Difficile de répondre à cette question et de mesurer sur le terrain la réalité de cette complémentarité, du moins au jour d’aujourd’hui.

Vers la maturité

A la lumière de l’histoire et l’évolution de cette discipline au cours des dix dernières années, nous pouvons remarquer que la maturité des entreprises en matière de knowledge management coïncide avec une meilleure compréhension des concepts et une prise de conscience des dirigeants de l’importance de gérer le capital intellectuel avec sa dimension humaine.

Ceci s’est récemment traduit par la création et la mise en œuvre de plus en plus fréquentes de communautés de pratique au sein des organisations. Cette approche met résolument l’accent sur la nature relationnelle, sociale et humaine de la connaissance qui avait été jusqu’ici négligée dans les premières expériences de knowledge management.

Les dernières enquêtes sur les différentes approches du knowledge management montrent que la création de communautés de pratiques, inter et intra entreprise, est devenue une priorité, voire une orientation de fond.

Au final, le knowledge management est devenu une discipline à part entière avec ses forces et ses faiblesses. Peu importe les croyances et les théories, ce qui est important c’est ce que le knowledge management, au travers de son approche, de ses méthodes ou encore de ses outils, peut réellement et opérationnellement apporter à l’entreprise.

Le knowledge mangement n’est ni un phénomène de mode, ni une révolution. C’est tout simplement une démarche concrète qui permet d’atteindre des objectifs bien réels et surtout quantifiables. Et ce sont bien les objectifs concrets qu’il faut garder en tête lorsque l’on envisage de mettre en place une démarche de knowledge management.